L'alimentation consciente a suscité beaucoup d'intérêt ces dernières années, en tant que stratégie pour favoriser des habitudes alimentaires plus saines, le bien-être mental et une meilleure conscience corporelle. Dans cette perspective, des chercheurs ont développé et validé une nouvelle échelle appelée Mindful Eating Scale (Échelle de l'alimentation consciente), lors d'une étude à grande échelle. Cet outil permet aux professionnels de la santé et aux chercheurs de mieux comprendre les comportements alimentaires dans des populations diversifiées en évaluant plusieurs dimensions de l'alimentation consciente.
🟢 Qu'est-ce que l'échelle de l'alimentation consciente ?
L'Échelle de l'alimentation consciente est un questionnaire récemment élaboré pour mesurer différents aspects de l'alimentation consciente chez la population générale. Basée sur des recherches approfondies, elle comprend six dimensions clés :
La conscience : être pleinement présent et attentif aux propriétés sensorielles des aliments, comme leur goût, leur texture et leur odeur.
La non-réactivité : observer ses pensées et émotions liées à la nourriture sans céder immédiatement aux envies ou aux impulsions.
L'ouverture : approcher les expériences alimentaires avec curiosité et flexibilité, en accueillant de nouveaux goûts et aliments.
La gratitude : ressentir de la reconnaissance pour le processus et les personnes impliquées dans l'apport de la nourriture à la table.
La non-jugement : éviter de se critiquer soi-même pour ses choix alimentaires ou ses comportements alimentaires.
La faim/satiété : faire confiance aux signaux naturels de son corps pour savoir quand manger et quand arrêter.
🟢 Développement et validation de l'échelle
Le développement de l'échelle s'est déroulé en quatre étapes principales :
Génération des items : création d'une première version comprenant 95 questions basées sur une revue de la littérature et des entretiens semi-directifs.
Évaluation par des experts et des participants naïfs : les items ont été révisés pour en vérifier la clarté et la validité de contenu. Cela a conduit à une version réduite de 24 questions.
Administration du questionnaire : l'échelle a été testée auprès de 3102 participants issus de l'étude NutriNet-Santé, une large cohorte représentative de la population française.
Analyses psychométriques : des analyses statistiques ont été menées pour vérifier la validité et la fiabilité de l'échelle, notamment via l'analyse factorielle exploratoire et confirmatoire.
🟢 Le questionnaire :
1. Conscience
Quand je mange, je prends le temps d'apprécier le goût de la nourriture.
Quand je mange, je prends le temps de savourer la nourriture.
Quand je mange, je prends le temps de goûter chaque aliment.
Je savoure la nourriture que je mange, même si c'est un aliment que je mange souvent.
2. Non-réactivité (items inversés)
Quand je vois un aliment que je veux, je ne peux pas m'empêcher de le manger.
Quand je vois des aliments que j'aime, il m'est difficile de ne pas les manger.
Si je veux un certain aliment, je ne peux pas m'empêcher de le manger.
Quand je sens quelque chose de délicieux, j'ai du mal à ne pas le manger.
3. Ouverture
J'essaie de nouveaux aliments sans réticence.
J'aime découvrir de nouveaux aliments.
J'essaie de nouveaux aliments, même si j'ai une opinion négative à leur sujet.
J'aime choisir des aliments inconnus (repas à la maison ou à l'extérieur).
4. Gratitude
Quand je mange, je ressens de la gratitude pour la planète qui m'a fourni cette nourriture.
Quand je mange, je pense aux personnes ou aux éléments qui ont permis la production de ma nourriture (agriculteurs, pluie, animaux, etc.).
Quand je mange, je ressens de la gratitude envers les personnes qui ont rendu possible l'arrivée de la nourriture dans mon assiette.
Je ressens de la gratitude pour les personnes qui ont préparé la nourriture que je mange.
5. Non-jugement (items inversés)
Je me blâme quand je sens que j'ai trop mangé.
Je me blâme si j'ai mangé plus que ce dont mon corps a besoin.
Je me sens coupable lorsque je mange des aliments que je considère comme mauvais pour ma santé.
Je me critique pour la façon dont je mange.
6. Faim/Satiété
Je fais confiance à mon corps pour savoir combien manger.
Je fais confiance à mon corps pour savoir quand arrêter de manger.
Je fais confiance à mon corps pour savoir quels aliments manger.
Je m'arrête de manger quand je n'ai plus faim, même si c'est un aliment que j'aime.
Chaque item est noté sur une échelle de 1 (jamais ou presque jamais) à 5 (toujours ou presque toujours), selon la fréquence à laquelle la personne se reconnaît dans les affirmations.
🟢 Utilisation pratique :
Étape 1 : calcul des scores par dimension
Conscience : fais la somme des scores des 4 items de cette dimension (items 1 à 4).
Non-réactivité : fais la somme des scores des 4 items de cette dimension (items 5 à 8). Attention, ces items sont inversés, donc tu dois inverser les notes avant (par exemple, un score de 1 devient 5, un score de 2 devient 4, etc.).
Ouverture : fais la somme des scores des 4 items de cette dimension (items 9 à 12).
Gratitude : fais la somme des scores des 4 items de cette dimension (items 13 à 16).
Non-jugement : fais la somme des scores des 4 items de cette dimension (items 17 à 20). Ces items sont aussi inversés, donc applique la même règle d’inversion qu’avec la non-réactivité.
Faim/Satiété : fais la somme des scores des 4 items de cette dimension (items 21 à 24).
Étape 2 : calcul du score total
Additionne les scores de toutes les dimensions pour obtenir un score total d’alimentation consciente.
Étape 3 : interprétation des scores
L'échelle contient 24 items répartis en 6 dimensions, chaque item étant noté de 1 à 5 (1 = jamais, 5 = toujours). Les scores sont interprétés selon chaque dimension et globalement pour obtenir une vue d'ensemble du comportement alimentaire conscient de l'individu.
Nous proposons ici une grille d'interprétation des score (non proposé dans l'étude qui a validée le questionnaire).
Interprétation globale du score total
Score minimal : 24 (niveau minimal d’alimentation consciente)
Score maximal : 120 (niveau maximal d’alimentation consciente)
Score total | Interprétation |
24 à 48 | Niveau faible d'alimentation consciente. La personne n'est pas très attentive à ses signaux internes ou à son alimentation. |
49 à 72 | Niveau modéré d'alimentation consciente. L'individu montre une certaine conscience dans son alimentation, mais avec des faiblesses dans certaines dimensions. |
73 à 96 | Niveau élevé d'alimentation consciente. La personne fait preuve d’une bonne attention à ses comportements alimentaires et est en phase avec ses signaux internes. |
97 à 120 | Niveau très élevé d'alimentation consciente. L'individu démontre une maîtrise quasi complète des principes d'alimentation consciente, avec une excellente capacité à réguler ses comportements. |
Interprétation par dimension (scores individuels sur 20)
Chaque dimension est évaluée sur un score allant de 4 (niveau minimal) à 20 (niveau maximal). Voici une grille pour chaque dimension :
Score par dimension | Interprétation |
4 à 8 | Faible conscience dans cette dimension. Des améliorations sont nécessaires pour atteindre un meilleur équilibre alimentaire. |
9 à 12 | Niveau modéré. Quelques efforts peuvent être faits pour accroître l'attention portée à cette dimension spécifique de l'alimentation consciente. |
13 à 16 | Niveau élevé. L'individu démontre une bonne conscience et un contrôle dans cette dimension. Il peut encore y avoir des améliorations mineures. |
17 à 20 | Très bonne maîtrise. La personne montre une grande attention et une capacité à réguler cette dimension avec une forte conscience. |
Exemple d'interprétation détaillée par dimension
Conscience (score sur 20) : un score faible dans cette dimension (4-8) signifie que l'individu ne prête pas suffisamment attention aux aspects sensoriels des aliments. Un score élevé (17-20) indique qu'il savoure pleinement ses repas.
Non-réactivité (score sur 20) : un score faible (4-8) montre une difficulté à résister aux envies alimentaires impulsives, tandis qu'un score élevé (17-20) reflète une bonne maîtrise de ses impulsions.
Ouverture (score sur 20) : un score faible dans cette dimension suggère que l’individu est moins disposé à essayer de nouveaux aliments, alors qu’un score élevé reflète une grande curiosité et flexibilité.
Gratitude (score sur 20) : un score faible peut indiquer un manque de reconnaissance pour le processus alimentaire, tandis qu'un score élevé signifie que l'individu se sent profondément reconnaissant envers l'origine et la préparation des aliments.
Non-jugement (score sur 20) : un score faible indique que la personne se critique souvent pour ses choix alimentaires. Un score élevé démontre une grande acceptation de ses comportements alimentaires.
Faim/Satiété (score sur 20) : un faible score peut indiquer que l'individu a du mal à écouter les signaux de faim ou de satiété de son corps, tandis qu’un score élevé reflète une bonne régulation et une confiance dans ses signaux corporels.
🟢 Voici des suggestions d'axes de travail pour chaque dimension :
1. Conscience (Awareness)
Axe de travail : développer la pleine conscience lors des repas.
Pratiquer l’alimentation en pleine conscience : encourager la personne à manger sans distraction (pas de téléphone, télévision, etc.) pour se concentrer uniquement sur les saveurs, les textures et les sensations alimentaires.
Manger plus lentement : prendre le temps de savourer chaque bouchée et poser les couverts entre chaque bouchée pour apprécier le moment.
Faire une pause avant de manger : prendre quelques respirations profondes avant de commencer à manger pour se concentrer sur le moment présent.
2. Non-réactivité (Non-reactivity)
Axe de travail : renforcer la capacité à résister aux impulsions alimentaires.
Apprendre à identifier les déclencheurs : observer les situations où les envies alimentaires apparaissent (stress, fatigue, environnement social) pour mieux comprendre et anticiper les moments de vulnérabilité.
Pratiquer des pauses conscientes : lorsqu’une envie alimentaire survient, attendre quelques minutes avant d’y céder, en respirant profondément ou en se demandant si cette envie est vraiment liée à la faim ou à un autre besoin émotionnel.
Techniques de gestion des émotions : proposer des alternatives pour gérer le stress ou les émotions sans passer par la nourriture, comme la méditation, l'exercice physique ou l'écriture.
3. Ouverture (Openness)
Axe de travail : développer la curiosité et l’ouverture face à l’alimentation.
Découverte de nouveaux aliments : encourager l'exploration de nouveaux aliments ou recettes, en particulier des aliments locaux, saisonniers ou exotiques.
Expérimenter avec la cuisine : inviter la personne à préparer des repas qu’elle n’a jamais cuisinés auparavant, ce qui peut stimuler sa curiosité et sa flexibilité alimentaire.
Sortir de sa zone de confort : planifier des repas ou sorties où l’objectif est de découvrir des saveurs ou des plats jamais testés auparavant.
4. Gratitude (Gratitude)
Axe de travail : cultiver la gratitude autour de la nourriture.
Pratiquer la gratitude avant les repas : avant de manger, encourager à prendre quelques secondes pour réfléchir aux efforts nécessaires pour que la nourriture arrive dans l’assiette (producteurs, environnement, cuisiniers).
Tenir un journal de gratitude alimentaire : noter régulièrement les éléments pour lesquels on est reconnaissant concernant ses repas (qualité des ingrédients, moments partagés avec d’autres, etc.).
Réfléchir à l'origine des aliments : encourager des discussions ou des recherches sur l’origine des aliments pour mieux apprécier leur parcours (agriculture, éleveurs, etc.).
5. Non-jugement (Non-judgement)
Axe de travail : apprendre à ne pas se critiquer pour ses choix alimentaires.
Pratiquer l'auto-compassion : lorsqu'un comportement alimentaire ne correspond pas aux attentes, apprendre à se parler avec bienveillance plutôt que de se critiquer durement.
Accepter les erreurs : apprendre à voir les écarts alimentaires comme une partie normale du processus d'alimentation plutôt que des échecs, et les utiliser pour mieux comprendre ses habitudes alimentaires.
Reformuler les pensées négatives : travailler sur la restructuration cognitive pour remplacer les pensées critiques par des affirmations positives ou neutres.
6. Faim/Satiété (Hunger/Satiety)
Axe de travail : réapprendre à écouter les signaux de faim et de satiété.
Évaluer sa faim avant de manger : encourager l'individu à évaluer son niveau de faim sur une échelle de 1 à 10 avant de manger, pour distinguer la faim physique des autres déclencheurs (émotionnels ou sociaux).
Prendre des pauses pendant le repas : proposer de faire une pause au milieu du repas pour réévaluer sa faim et éviter de continuer à manger par habitude.
Se reconnecter aux sensations de satiété : travailler sur la prise de conscience des premiers signes de satiété pour savoir quand s'arrêter de manger, même si l’assiette n’est pas terminée.
🟢 Pourquoi l'échelle de l'alimentation consciente est-elle utile ?
Contrairement à d'autres questionnaires existants sur l'alimentation consciente, l'Échelle de l'alimentation consciente permet de calculer un score total en plus de scores par dimension, ce qui la rend particulièrement utile pour les chercheurs et les professionnels de santé. En effet, elle peut être utilisée dans des contextes cliniques pour évaluer le comportement alimentaire des patients, notamment ceux souffrant d'obésité ou de troubles alimentaires.
Les résultats de l'étude ont montré que l'alimentation consciente était associée à une meilleure qualité nutritionnelle, une plus grande confiance en soi, et un bien-être psychologique accru. En parallèle, elle était négativement corrélée avec des comportements alimentaires comme la restriction cognitive ou l'alimentation émotionnelle.
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